équilibre
Son équilibre reste bien fragile.
Quand je suis allée vers elle, elle avait ce regard dur et les traits figés qu’on lui connaît à certaines périodes.
Les dernières semaines, elle était un peu exaltée, parlait beaucoup, nous témoignait à tous beaucoup de tendresse. Elle paraissait heureuse, avec une nouvelle vivacité.
Elle a souri à mon approche, puis s’est emparée de la parole pour ne plus la quitter.
Sa nuit m’a-t-elle dit avait été épouvantable : crispations de mâchoires, maux de tête…
« Tu ne sais pas ce que c’est ».
« Je n’ai pas eu mon Parkinane (anti parkinsonien) hier soir, je n’ai pas eu mon traitement, je vais me plaindre à mon psy… »
Elle oublie de me préciser qu’elle n’était pas chez elle à l’heure du passage de l’infirmière.
Je lui remarque un sac et un pull nouveau, la complimente sur son achat et l’interroge.
« Tu poses trop de questions ma sœur.
Au fait, j’ai besoin d’argent. Tu m’as pris combien ? »
J’apprends qu’elle n’a pas dormi de la nuit, qu’elle a envoyé promener l’infirmière ce matin.
Elle s’agite beaucoup.
Chez les parents, elle met tellement d’insistance à leur être agréable qu’elle en devient harcelante.
Elle reparle de sa nuit, nous accuse de ne rien faire pour elle.
C’est épouvantable, elle a souffert le martyr et personne ne s’inquiète d’elle.
Elle se souvient : quand on lui a fait un électrochoc, (il y a trente ans) elle a eu la langue sectionnée car on avait oublié de lui mettre un mors sur les dents.
« Si je t’avais appelée, je suis sûre que tu ne serais pas venue.
Vous vous en moquez,
Je ne pouvais plus parler cette nuit, j’avais mal aux mâchoires. »
Elle persiste dans ses lamentations et ses reproches.
J’ai finalement perdu patience.
Je me suis plantée devant elle et lui ai asséné, avec fermeté :
Qu’elle était seule responsable de la prise ou non de son traitement,
Qu’il n’était pas dans les attributions de l’infirmière de courir après elle dans les cafés, les restaurants ou chez le coiffeur, pour lui donner son traitement.
Elle a baissé la tête et s’est installée dans le silence.
Sa logorrhée a été stoppée nette.
J’ai vu l’angoisse dans ses yeux et sa souffrance.
Je ne suis ni héroïque ni très fière de moi…
La phase hypomane ne fait que recommencer !