Le rapport de Brodeck - Philippe Claudel
je viens de terminer le "rapport de Brodeck" il y a quelques jours et j'en suis encore complètement sous le choc.
Quel livre !
que dire de plus que tout ce qui a déjà été écrit sur lui ?
Claudel est un grand, un tres grand écrivain ; Il a vraiment une très belle écriture, et le fond donne à penser sur l'homme, la nature humaine, le pardon, la culpablite etc.
Ce livre sombre et suffocant est un gros, un très gros coup de cœur comme je n'en avais pas eu depuis longtemps.
Je n'avais encore rien lu de Philippe Claudel et vais me procurer au plus vite ses précédents romans
«L’idiotie est une maladie qui va bien avec la peur. L’une et
l’autre s’engraissent mutuellement, créant une gangrène qui ne demande
plus qu’à se propager.»
« Ca ne pouvait que se terminer comme ça. Cet homme, c’était comme un
miroir, il n’avait pas besoin de dire un seul mot. Et les miroirs ne
peuvent que se briser. »
"Les hommes sont bizarres. Ils commettent le pire sans trop se poser de questions, mais ensuite, ils ne peuvent plus vivre avec le souvenir de ce qu’ils ont fait. Il faut qu’ils s’en débarrassent. Alors ils viennent me voir car ils savent que je suis le seul à pouvoir les soulager, et ils me disent tout. Je suis l’égout, Brodeck. Je ne suis pas le prêtre, je suis l’homme-égout. Celui dans le cerveau duquel on peut déverser toutes les sanies, toutes les ordures, pour se soulager, pour s’alléger. Et ensuite, ils repartent comme si de rien n’était. Tout neufs. Bien propres. Prêts à recommencer. Sachant que l’égout s’est refermé sur ce qu’ils lui ont confié. Qu’il n’en parlera jamais, à personne. Ils peuvent dormir tranquille, et moi pendant ce temps, Brodeck, moi je déborde, je déborde sous le trop-plein, je n’en peux plus, mais je tiens, j’essaie de tenir. Je mourrai avec tous ces dépôts d’horreur en moi. Vois-tu ce vin ? Eh bien c’est mon seul ami. Il m’endort et me fait oublier, durant quelques instants, tout cette masse immonde que je transporte en moi, ce chargement putride qu’ils m’ont tous confié. Si je te dis cela, ce n’est pas pour que tu me plaignes, c’est pour que tu comprennes… Tu te sens seul de devoir dire le pire, moi, je me sens seul de devoir l’absoudre. » (p.173)
Ô petite poupchette…certains te diront que tu es l’enfant du
rien, que tu es l’enfant de la salissure, que tu es l’enfant engendrée de la
haine et de l’horreur. Certains te diront que tu es l’enfant abominable conçue
de l’abominable, que tu es l’enfant de la souillure, l’enfant souillée bien
avant de naître. Ne les écoute pas, je t’en supplie, ma petite, ne les écoute
pas. Moi je te dis que tu es mon enfant, et que je t’aime. Je te dis que de l’horreur
naît parfois la beauté, la pureté et la grâce. Je te dis que je suis ton père à
jamais. Je te dis que les plus belles roses viennent parfois dans une terre de
sanie. Je te dis que tu es l’aube, le lendemain, tous les lendemains, et seul
compte cela qui fait de toi une promesse. Je te dis que tu es ma chance et mon
pardon. je te dis ma Poupchette que tu es toute ma vie.(p 335)