Quand on se sent de trop...
Arrivée à l’heure habituelle à la maison de retraite, je croyais le trouver endormi sur son lit.
Personne dans la chambre, restée pourtant ouverte.
J’ai pris le temps de regarder quelques photos et de murmurer pour moi « oh ma petite mère »…
Je suis descendue au réfectoire.
A peine un bonjour de sa part.
Il avait négligemment posé son bras sur le dossier du fauteuil de Madame H.
Lunettes noires, sourire aux lèvres, il a de l’allure pour son age.
Madame H. m’a assuré qu’elle avait essayé de me garder une place à leur table.
Tant bien que mal, en poussant quelques fauteuils roulants, je me suis installée près d’eux.
Deux hommes, dont l’un avec un accordéon diatonique, chantaient des vieilles chansons Bretonnes en patois. C’était drôle, gai et émouvant à la fois.
J’ai interpelé mon père sur ses souvenirs du patois.
Il ne m’a pas répondu, n’avait d’yeux que pour « sa belle ».
Du coin de l’œil, j’ai vu une main qui se posait sur la main de la belle.
Elle a eu un regard vers moi, lui a chuchoté quelques mots à l’oreille.
Il a reposé sa main plus loin.
Quand on se sent de trop, il vaut mieux s’en aller ; ce que j’ai fait.
Depuis quelques années, ma mère devenait Jalouse.
On en riait un peu.
Mon père affirmait
« Elle se fait des idées »
Maman répliquait
« Eh ! Eh ! Je sais bien ce que je vois.
Vous, vous n’êtes pas toujours là.
Il n’arrête pas de faire le joli cœur, avec les infirmières, les aides ménagères…
Il croit que je ne le vois pas, que je ne l’entends pas faire ses avances …
Je sais bien, qu’il veut se débarrasser de moi… »
Quand on se sent de trop, il vaut mieux s’en aller ; ce qu’elle a fait.