Mon frère ce héros ….
Ou comment assurer le rôle qu’on s’est attribué ?
Comment détourner sur soi même des risques mortels toujours possible,
orchestrer des mises en danger de soi-même répétées, pour que le malheur passe
ailleurs qu’à l’endroit où il nous angoisse le plus.
Il (nous dirons John) est né en troisième position entre mes deux sœurs.
Du plus loin que je me souvienne, il est présent près de nous, blagueur, rieur,
joueur, "casse- cou ". Il aimait la prise de risques, s'exposer au
danger, triompher de ses peurs, braver les interdits.
Avec ma sœur aînée, ils formaient une paire de joyeux lurons. Ils n’avaient pas
vraiment le choix et devaient traîner
derrière eux une petite sœur quelques fois bien encombrante.
Je n’arrivais pas toujours à les suivre,
et singulièrement, bien que plus jeune, je n’aimais pas être leur complice,
quand ils dérogeaient l’un et l’autre aussi ouvertement aux règles de prudence,
ou aux interdits.
A croire qu’ils le faisaient exprès, dès que ma mère avait le dos tourné, ils
se lançaient dans des aventures plus téméraires les unes que les autres.
Quand j’étais encore bébé, John me « piquait » mon biberon en cachette, Il
argumentait que je n’avais pas à me plaindre car lui il n’y avait plus droit et
moi, je pouvais toujours en réclamer un autre (en quoi il se trompait…)
Plus tard, je m’inquiétais dès que je savais que c’etait lui qui était en charge
de me ramener de l’école maternelle.
Immanquablement,
il m’oubliait et j’attendais de longues heures, seule dans une salle de jeu qui
me paressait immense, parce que vidée de tous ses occupants, le temps que
quelqu'un s’aperçoive de mon absence à la maison.
Plus tard, une série d’accidents estivaux a débuté.
John participait avec fougue et hardiesse aux travaux d’été dans les fermes
avoisinants la modeste bâtisse de nos grands-parents.
Tous les étés, John devait être conduit aux urgences
Un été, lors des moissons, les dents d’une fourche lui
pénètrent le pied.
Un autre, il reste suspendu par une branche de cerisier qui lui a traversé la
joue.
Plus tard, les dents d’un support de canne à pêche rencontrent le gras de son
fessier.
Et encore : il manque de se noyer sous mes yeux alors qu’il se baigne dans une
mare.
Il fait du rodéo sur le dos des vaches ou se laisse traîner en s’agrippant
fermement à leur queue et revient couvert de plaies.
Je ne sais combien de piqûres
antitétaniques ont du lui être administrées. Paradoxalement il en avait très
peur.
A l’adolescence, il a endossé un blouson noir et a continué à jouer les caïds avec sa mob. Evidemment, il a plus d’une
fois, goûter le bitume et en garde encore aujourd’hui des traces sur le visage.
A 17 ou 18 ans, il est tombé follement amoureux de la voisine.
Pour les beaux yeux de sa belle dont la mère interdisait toute fréquentation
avec ce « voyou », il s’est engagé dans les pompiers de paris.
Sa véritable carrière de « preneur de risques » a débuté.
Entre « flic ou voyou » il a résolument choisi le bon coté de la loi et est
devenu agent de sûreté au RAID : brigade d’intervention de choc, risquant sa
vie à chaque intervention, tenue secrète jusqu’à sa résolution.
Il est aujourd’hui en retraite, mais cette prise de risques lui manque.
Comment être encore reconnu, admiré, aimé quand on n’est plus un héros ?