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discretement
10 mars 2006

compter

Une grande cour d’école recouverte de petits gravillons gris.

Quand on court, il faut faire attention car il n’y a rien de plus traître que ces petits cailloux qui déchirent les genoux et entrent dans les plaies.

J’ai six ou sept ans.

Je rentre dans la cour d'école chargée de mon cartable.

Aujourd’hui elle me parait plus grise, le ciel bien sombre... Peut être qu'il pleut ...

Je n’ai pas envie de courir, ni de jouer à la corde ou à la marelle.

Ce matin avant que je parte à l’école, Maman a encore fait une « crise ».

La même scène  se reproduit désormais à l’identique chaque fin de semaine, dès que Papa revient ;

En arrivant, il a les yeux un peu brillants, comme s’ il avait bu avant de revenir.

Avant même de dire bonjour, il demande à voir les comptes et le fameux petit carnet sur lequel l'épicier marque les courses achetées et non payées

Quelque- fois, c’est maman qui le devance en lui disant qu’elle n’a plus d’argent et qu’elle ne peut pas vivre  sans le moindre sou.

Très vite le ton monte. Papa crie, vitupère, déplace les chaises et les replace bruyamment. Il hurle :

«  Tu vas nous mettre sur la paille » !

Maman s’énerve à son tour, change de visage ; son regard devient fixe, sa bouche se crispe, ses yeux lancent des éclairs.

Elle prend ce qu’elle a sous la main et cherche à se faire mal.

« Les grands » essaient de l’en empêcher mais elle se débat avant de partir en courant tout en hurlant :

« Je sais ce qu’il me reste à faire »

Je cours après elle pour essayer de la retenir. Je lui dis que je l’aime, que j’ai besoin d’elle !!

Maman n’entend pas.

Puis brutalement d’un air las, elle me dit : « laisse moi ma Zaza, tu es assez grande maintenant pour de débrouiller sans moi »

Parfois je réussissais à la retenir en m’accrochant de toutes mes forces à sa jupe.

Ce matin j’ai lâchée prise.

Elle était trop déterminée.

Ma grande soeur a-t-elle réussi à la rattraper ?

Sur la route qui mène à l’école, j'essaie de repousser les questions qui  fondent sur moi

Qu’est-ce qu’elle va faire ?

J’entrevois le pire : Et si elle ne revenait plus jamais. Si elle était morte ….

La cloche sonne. Je rentre dans la classe.

La maîtresse explique comment faire des additions. Sur le tableau des bouchons de bouteilles disposés comme des points sur des dominos permettent de visualiser mentalement les nombres.

J’aime bien compter. Je fais mes additions avec application chassantde mon esprit la scène de ce matin.

Vient l’heure de la récréation.

Deux filles s’approchent de moi avec l' air  de celles qui savent :

«Eh ! Ta mère s’est jetée sous un camion ! On a vu les pompiers qui l’emportaient »

J’affirme avec ce qui me reste de fierté;

« C'est n'importe quoi ! . Ma mère ne ferait jamais ça »

Desir déjà present de me mettre sous terre !

Ne pas pleurer ! Relever la tête et garder les yeux secs.

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Commentaires
T
C'est un souvenir bien noir...et qui ne fait pas "pour solde de tout compte"...
discretement
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